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Aperçu des acteurs impliqués et regard sur une histoire pleine de contradictions.

Les partis politiques de RTL sont historiquement le CSV et le DP. On y a assisté non seulement à une transition rapide des journalistes vers la politique, mais aussi à une implication majeure de ministres et de responsables politiques européens dans la politique d’entreprise de la CLT-UFA. Mais qu’en est-il du LSAP, troisième parti du Luxembourg ?

Le 9 janvier dernier, la nouvelle ministre déléguée aux Médias, Élisabeth Margue (CSV), a présenté le volet médias de l’accord de coalition à la commission des médias de la Chambre. Taina Bofferding, désormais cheffe du groupe LSAP et donc cheffe de l’opposition, prend la parole et appelle à l’ouverture rapide de discussions sur la question de savoir si la dépendance des médias à une entreprise privée pour la mission de service public doit être rompue. La remise en cause du contrat entre l’État et CLT-UFA, le groupe à l’origine de RTL Luxembourg, est une tradition au sein du LSAP et s’inscrit dans le cadre du programme électoral du LSAP, qui prévoit la création d’un nouveau média de droit public au Luxembourg.

De RTL au LSAP

Le fait que le LSAP ait été au gouvernement de 2004 jusqu’aux dernières élections et qu’il aurait pu avoir une influence bien plus importante sur trois contrats entre l’État et la CLT-UFA est désormais passé sous silence. Le fait que Taina Bofferding, qui s’exprime ici en commission parlementaire au sujet de la CLT-UFA, siège elle-même au conseil d’administration de la CLT-UFA en tant que cheffe de faction du LSAP ne semble pas la gêner. Un conflit d’intérêts évident. Outre elle, Francine Closener siège également au comité des médias du LSAP. Francine Closener a commencé à travailler pour RTL en 1994, comme journaliste à RTL Radio Luxembourg. En 2008, elle devient rédactrice en chef de la radio, avant de rejoindre RTL TV en 2010. En 2013, elle se présente aux élections législatives pour le LSAP, mais rate un siège au Parlement. Elle est alors nommée secrétaire d’État par Étienne Schneider au gouvernement. Aux élections de 2018, où la présentatrice de RTL Sandy Lahure se présente également pour le LSAP, Francine Closener rate à nouveau un siège au Parlement, mais parvient à revenir en 2019 et siège depuis, entre autres, au comité des médias du LSAP. Avec son résultat aux élections de 2018, Francine Closener devance une autre ancienne journaliste de RTL sur la liste du LSAP, Cécile Hemmen.

Cécile Hemmen a commencé à travailler pour CLT, le prédécesseur de RTL, en 1978 et s’est présentée pour la première fois au LSAP en 2009. Au cours de sa carrière politique, elle a également été maire et présidente de district du LSAP dans le centre. La dernière collaboratrice de RTL à rejoindre le LSAP est Danielle Filbig. Elle est l’une des principales candidates aux prochaines élections européennes et, selon son profil LinkedIn, est toujours correspondante pour RTL. Danielle Filbig ne travaille probablement plus vraiment pour RTL entre-temps ; elle était correspondante parallèlement à ses études. Mais ses débuts en politique sont encore bien visibles sur le site web de RTL. En juillet 2022, Danielle Filbig sera présente pour RTL à l’occasion des 120 ans du LSAP à Esch.

Le LSAP observe

Malgré les chevauchements de personnel, les conflits d’intérêts et la présence du LSAP au conseil d’administration de la CLT-UFA depuis des décennies, le LSAP n’est jamais devenu un parti de RTL comparable au DP ou au CSV. La politique médiatique du LSAP n’est pas orientée vers les intérêts des médias privés, mais il doit accepter l’accusation d’incohérence et, surtout, de passivité. La politique médiatique a été laissée à la discrétion du partenaire de coalition concerné pendant des années. Le LSAP a laissé Jean-Louis Schiltz (CSV) et Viviane Reding (CSV) avancer et n’a ensuite pas examiné attentivement la manière dont Xavier Bettel (DP), alors ministre des Médias, a élaboré les nouveaux accords avec Paul Konsbrück. Le poste de représentant parlementaire au sein de la „Commission de suivi“, censée contrôler la CLT-UFA, a d’abord été proposé aux Verts au gouvernement, puis maintenant dans l’opposition et même à l’ADR.

Un visionnaire des médias publics tombé dans l’oubli

C’est précisément le LSAP qui s’est battu dans les années 80 et 90 pour une alternative au monopole de la télévision commerciale et qui ne voulait pas abandonner les médias au marché publicitaire. Information et éducation, culture et forces d’échange en démocratie : les médias publics étaient un élément central de la social-démocratie, qu’il était important de défendre, voire d’introduire au Luxembourg. La lutte fut menée dans de nombreux pays, mais aussi au niveau européen, où les Luxembourgeois Thorn (DP), Flesch (DP), Dondelinger et Santer (CSV) l’emportèrent largement face aux différents défenseurs de centre-gauche des médias publics, dans un esprit de privatisation maximale. Au Luxembourg, Robert Krieps, ancien ministre de la Justice et ministre de la Culture dans les années 1980 et porte-parole du LSAP, plaida avec force pour la création de médias publics. En guise de solution de compromis, Radio 100komma7 a été créée, après le décès de Robert Krieps en 1990.

Au plus tard à la fin des années 1990, de nombreux sociaux-démocrates du monde entier avaient adopté une politique économique plus libérale, et le Luxembourg ne faisait pas exception. Le programme électoral de 2004 montre que le LSAP avait rejeté les idées de Robert Krieps et que les socialistes étaient globalement peu présents sur la politique des médias. Il stipule : „Concernant la dimension économique du secteur culturel et médiatique, les partenariats entre institutions publiques, entreprises et initiatives privées devraient être activement encouragés en matière de gestion et de financement.“ Il n’est donc pas étonnant que le LSAP ait d’abord laissé le champ de la politique des médias au CSV, puis au DP.

Retour aux sources ?

Au moins sur le plan programmatique, le LSAP a progressivement retrouvé ses racines ces dernières années. Ce n’est qu’aux élections de 2018 qu’il a véritablement réintégré un chapitre sur la politique médiatique dans son programme électoral et a également appelé à la création d’une chaîne de télévision publique. Bien que les Verts aient également souhaité au moins „examiner la création d’une chaîne de télévision publique“ dans leur programme électoral de 2018 et plaider en faveur des médias publics au niveau européen, le DP a pu mettre en oeuvre la rédaction du traité d’État, entré en vigueur le 1er janvier de cette année et qui a alloué jusqu’à 15 millions d’euros par an à la CLT-UFA.

Les discussions sur l’avenir du traité d’État avec la CLT-UFA, comme l’a également souligné Taina Bofferding au sein de la commission des médias, entreront bientôt dans une nouvelle phase. Un plan devra être élaboré au cours de cette législature pour la suite des choses après 2030. Le LSAP devra désormais accompagner ces discussions depuis l’opposition, mais peut-être pour cette raison même avec encore plus d’impact que sous le gouvernement.