PEOPLE - L'histoire d'un fantassin
Un vrai patriote – mais pas pour nous
Photo: © Land 1984
Il a fait beaucoup pour le Luxembourg… pardon, pour la CLT. N’est-ce pas un peu la même chose ?
„Beau coup pour Jean Dondelinger“, écrit Land le 5 juillet 1991. Il s’agit du „commissaire européen chargé de la politique audiovisuelle, qui vient de permettre au Luxembourg de conserver toutes ses chances d’être présent sur le marché audiovisuel de demain“. Ainsi, Land étonne ceux qui pensaient que les commissaires ne se battraient pas pour des objectifs nationaux, mais pour des objectifs européens.
En y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas vraiment d’intérêts nationaux, mais plutôt des intérêts d’une entreprise spécifique : la CLT, le groupe derrière RTL. Quiconque cherche aujourd’hui à comprendre comment des lois sur les médias ont pu être promulguées au niveau européen par des Luxembourgeois en faveur de la CLT tombera certainement sur Jean Dondelinger. Sa biographie montre clairement comment la politique luxembourgeoise et la CLT ont travaillé ensemble.
Un beau changement de carrière
Dès 1977, l’avocat Jean Dondelinger, alors „représentant permanent“ du Luxembourg à Bruxelles, réalise un coup d’éclat. Lors de la conférence de l’UIT (Union internationale des télécommunications) à Genève, il négocie, en tant que négociateur en chef, avec le Premier ministre de l’époque Gaston Thorn, des fréquences satellitaires pour le Luxembourg, avec un succès surprenant (voir cvce 2013). Par „pour le Luxembourg“, on entend ici aussi pour la CLT. Dès 1973, la CLT avait obtenu le droit d’exploiter la fréquence par le biais de la convention de concession signée avec l’État.
Au début des années 1980, Jean Dondelinger, qui n’a jamais eu de carte de parti, est présent à son poste à Bruxelles lorsque Gaston Thorn, alors président de la Commission européenne, introduit la directive „Télévision sans frontières“. Cette directive visait à libéraliser le marché européen des médias et à créer un marché intérieur des médias - une perspective sensationnelle pour la CLT.
En 1984, Jean Dondelinger rentre au Luxembourg pour occuper le poste de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. À l’époque, Colette Flesch (DP), que Jean Dondelinger devait bien connaître en tant qu’ancienne députée européenne, n’est ministre des Affaires étrangères que depuis quelques mois. En plus de cette fonction, Jean Dondelinger devient également commissaire de gouvernement au sein de la CLT à cette époque - et ce, au début d’une période compliquée pour le groupe de médias.
Des solutions pragmatiques
A la fin des années 80, une course contre la montre s’engage pour la CLT. Ce n’est autre que Gaston Thorn, qui prend immédiatement la tête de la CLT après avoir été président de la Commission. Il a préparé le groupe aux opportunités qu’offrirait sa propre directive. À l’époque, tous les pays de la Communauté européenne commençaient à ouvrir leurs marchés télévisuels respectifs aux programmes commerciaux. Cependant, la CLT n’avait pas encore la possibilité de pénétrer un marché national depuis l’extérieur, car la directive européenne n’avait pas encore été définitivement ratifiée.
C’est ainsi que RTL Plus a été lancée au Luxembourg en 1984, mais a rapidement déplacé sa production en Allemagne afin de mieux s’implanter sur le marché là-bas. Thorn spéculait-il ? Comment convaincre la Communauté européenne d’accélérer la mise en œuvre des projets ? (cf. dossier dans Land 1988)
La solution est finalement relativement banale. En effet, le Luxembourg s’empresse de nommer Jean Dondelinger commissaire européen en 1989. Sa tâche consiste à mettre en œuvre le plus rapidement possible la directive „Télévision sans frontières“ de Gaston Thorn (cf. Land 1989), afin que la CLT puisse rassembler les chaînes de télévision nationales et construire un empire médiatique.
Un vrai patriote
Jean Dondelinger peut compter sur un large soutien. Il est personnellement soutenu par Gaston Thorn. Au nom du nouveau groupe de lobby bruxellois, l’Association des Télévisions Commerciales, dont fait partie la Fininvest de Berlusconi (Land 07.07.1989), Thorn demande au Commissaire Jean Dondelinger de mettre en place le plus rapidement possible un cadre juridique pour le marché européen des médias et exige en même temps une plus grande marge de manœuvre pour la publicité télévisée. Sous la direction du commissaire Dondelinger, Colette Flesch, la ministre des Affaires étrangères qui avait emmené Jean Dondelinger à Luxembourg à l’époque, se voit confier le poste important de directrice générale des médias et de l’information, entre autres.
Jean Dondelinger nous assure que dès 1989, l’année de son entrée en fonction, il a fait passer les directives par le Conseil des ministres et les a même fait adopter par le Parlement européen (1989 Land), qui s’y opposait. Il a ensuite veillé, dans une autre série de dossiers, à ce que rien n’aille trop à l’encontre des intérêts de la CLT. Ce n’était pas un bon Européen, mais c’était un vrai patriote de la CLT.