Photo: ITU Pictures (CC BY 2.0)

Il ne s’assoit jamais entre les chaises, mais sur toutes les chaises en même temps. Comment Jean-Louis Schiltz, présentateur de RTL, gère votre argent.

Il était une fois un homme nommé Jean-Louis Schiltz, qui maîtrisait presque tous les aspects de la vie luxembourgeoise. Si l’on est mêlé à quelque chose, on parle souvent de „conseil d’administration“. Le conseil d’administration est responsable de nombreux aspects de l’entreprise, comme la gestion des finances, la politique du personnel, etc.

Jean-Louis Schiltz était membre du conseil d’administration des brasseries luxembourgeoises Bofferding, Battin et Brasserie Nationale. Oui, les trois ! En réalité, M. Schiltz était avocat de profession et dirigeait donc un cabinet qui portait naturellement son nom : Schiltz&Schiltz. Il y était considéré comme un „pionnier de la FinTech“, un secteur obscur du secteur financier, où l’argent est créé de manière mystérieuse.

Par ailleurs, ce gérant de brasserie et avocat spécialisé en FinTech s’est également rendu utile en tant que membre du conseil d’administration de l’entreprise suisse „Quilvest“. Quilvest est une société de gestion d’actifs, un outil utile au quotidien pour tous. Sans oublier que ce brave Jean-Louis est également professeur invité à l’Université du Luxembourg. On le voit : cet homme mystérieux est donc à la fois un avocat spécialisé en FinTech et un professeur de gestion d’actifs. Mais ce n’est pas tout ! À la Fédération des entreprises luxembourgeoises (FEDIL), Jean-Louis Schiltz n’est rien de moins que vice-président. Il siégeait également au Conseil consultatif sur les ressources spatiales, fondé par Étienne Schneider pour promouvoir le projet luxembourgeois d’exploitation minière spatiale.

Et puis, il y avait la question des hôpitaux. Dans les cliniques, on ne trouve pas seulement des malades et des mourants, mais aussi de l’argent, et c’est pourquoi Jean-Louis Schiltz occupait un poste tout à fait différent à la tête des hôpitaux Robert Schumann. Et en tant que… ? Eh oui, en tant que président du conseil d’administration. Malheureusement, un petit contretemps lui est arrivé en 2021. Vous vous souvenez : la pandémie de coronavirus a tout paralysé, puis les vaccins sont enfin arrivés. Outre les personnes âgées et malades, le personnel hospitalier devait bien sûr être vacciné en premier. Cependant, Jean-Louis est réticent à laisser les autres prendre les choses en main. Et comme il dirigeait pratiquement la clinique, pour ainsi dire, il faisait partie du personnel hospitalier, il a secrètement été vacciné en avance. Il a ensuite tragiquement dû abandonner ce poste. Nous aimerions encore consoler Jean-Louis Schiltz, avocat spécialisé en gestion d’actifs, FinTech et espace, et professeur invité à l’hôpital, à la Fedil et sous tous ses titres. Mais nous avons laissé de côté un domaine important : la politique.

Un prodige politique

En politique, on réunit tous les éléments importants pour une carrière d’administrateur : on acquiert des contacts, des connaissances privilégiées et on crée peut-être même des conditions juridiques qui pourraient s’avérer extrêmement utiles par la suite. Pour comprendre comment Jean-Louis Schiltz est devenu notre prodige professionnel, il faut remonter un peu en arrière. Entre 2004 et 2009, Jean-Louis Schiltz, outre sa fonction de gouverneur de la Banque asiatique pour le développement, a occupé un poste secondaire particulièrement prometteur : ministre des Communications du Luxembourg. Comment en est-il arrivé là ?

Depuis 2000, Jean-Louis Schiltz occupait le poste de secrétaire général du CSV et fut rapidement considéré comme un espoir néolibéral pour le parti. Son engagement auprès du puissant parti d’État porta ses fruits. Immédiatement après sa première élection, où il ne fut élu que 8e sur la liste du centre, Jean-Louis Schiltz obtint un poste ministériel. Au début, cependant, il ne s’agissait que de la coopération et du titre de ministre délégué à la Communication – un portefeuille un peu trop modeste pour un altruiste aussi ambitieux. Au cours de la législature, le portefeuille fut donc remanié. Pour soulager Luc Frieden, Jean-Louis Schiltz, père passionné de trois enfants, reprit également le ministère de la Défense et fit transformer le titre ridicule de „ministre délégué“ en un titre plus honorable : ministre de la Communication.

Le ministre CLT-UfA

En tant que ministre des Communications du Luxembourg, Jean-Louis Schiltz avait une mission principale : protéger les intérêts de CLT-UfA (le groupe derrière RTL Luxembourg) et assurer la meilleure sécurité possible à la filiale de Bertelsmann au Luxembourg. Cela implique également que l’homme politique luxembourgeois défende les intérêts du groupe au niveau européen, notamment en défendant le principe du „pays d’origine“ (https://www.land.lu/page/article/820/1820/DEU/index.html). En effet, pour les programmes diffusés depuis le Luxembourg mais visionnés à l’étranger, la réglementation luxembourgeoise s’applique. Et non, il ne s’agit pas de RTL TV Luxembourg, mais de nombreux autres programmes télévisés appartenant au groupe RTL, produites et visionnées par exemple aux Pays-Bas, en France (M6), en Belgique et dans de nombreux autres pays (Statut 2007, p. 11). Elles souhaitaient toutes échapper aux lois locales et bénéficier du cadre plus favorable du Luxembourg, à savoir des impôts moins élevés, moins de réglementations et de contrôles, et un cadre plus large pour la publicité et le placement de produits. Heureusement, Jean-Louis Schiltz avait un allié de poids au niveau européen : Vivianne Reding était opportunément commissaire européenne aux médias à l’époque.

Sous la responsabilité de JL, RTL bénéficia également d’un traitement de faveur au niveau national, sous la forme d’un statut spécial, semi-étatique. Ce statut devait permettre à l’entreprise d’être financée par l’État à l’avenir. RTL remplit une „mission de service public“ comparable à celle des autres médias de „droit public“, a-t-on dit un jour. Sur la base de cette idée, l’entreprise privée luxembourgeoise a été mise en position d’empêcher l’émergence d’une véritable télévision de droit public à l’avenir. Le jour de la Saint-Valentin 2007, Jean-Louis Schiltz a signé un nouveau contrat de service public pour l’État avec la CLT-UFA, -coïncidence?- trois jours seulement après que le Luxembourg ait enfin célébré sa victoire au niveau européen. Thomas Rabe, alors directeur financier de Bertelsmann, est venu spécialement au Luxembourg à cette fin et, avec Jacques Santer, alors président du conseil d’administration de la CLT-UFA, a mis son corps sur papier a pris le parti de l’entreprise.

Quand la politique devient trop ennuyeuse

En 2009, Jean-Louis Schiltz s’est présenté pour la deuxième fois. Troisième candidat sur la liste CSV au centre, cela ne lui a curieusement pas suffi pour conserver un autre poste ministériel. Jean-Louis Schiltz est alors devenu porte-parole du groupe CSV à la Chambre, un poste qu’il trouvait manifestement extrêmement ennuyeux, si bien qu’il a finalement jeté les rênes de la politique deux ans plus tard et est retourné à son secteur privé bien-aimé. „Je retourne d’où je viens […] Je savais que je me retirerais de la politique“, avait déclaré Jean-Louis Schiltz à l’époque sur RTL-Mikro. La politique est sous le choc, elle n’était pas prévue. Qu’est-ce qui motive Jean-Louis Schiltz à franchir ce pas ? S’agit-il d’une affaire de l’époque où il était ministre des Armées, qui a eu des répercussions juridiques ? On ne peut que spéculer.

Il semble toutefois évident que Jean-Louis Schiltz a vécu une expérience enrichissante en tant que chef de groupe parlementaire – probablement son premier siège au sein d’un conseil d’administration prestigieux. En effet, depuis le début de la nouvelle législature, une nouvelle tradition s’est imposée à la Chambre. Ce sont désormais les chefs de groupe parlementaire des trois plus grands partis qui siègent également au conseil d’administration de la CLT-UFA – en tant que représentant de la société luxembourgeoise. En 2011, Jean-Louis Schiltz a cédé son siège au conseil d’administration à son successeur à la tête du groupe parlementaire CSV, Lucien Thiel, mais il est resté membre du conseil en son nom propre. Il s’agissait probablement du changement le plus radical jamais observé, passant d’un représentant du peuple à un représentant de son propre portefeuille. Et pour Jean-Louis Schiltz, ce n’est que le début de sa nouvelle carrière.

Un Mortel retournement de situation, comme vous ne l’avez jamais vu auparavant

De retour dans le secteur privé, l’avocat Jean-Louis Schiltz commence à accumuler les sièges au conseil d’administration et se lance dans une carrière d’avocat spécialisé dans les FinTech et de professeur à la Fedil. Parallèlement, l’ancien ministre des Communications gravit les échelons au sein de RTL Group. En 2017, une nouvelle étape importante se présente : Jean-Louis Schiltz remplace Jacques Santer à la tête du conseil d’administration de la CLT-UFA. Et à ce titre, il peut même signer le renouvellement du contrat d’État avec RTL ! C’est-à-dire le même contrat qu’il a déjà rédigé une fois de l’autre côté. Mais cette fois du côté du groupe de médias. Bravo pour ce retournement de situation !

Jean-Louis Schiltz a-t-il mis au service du secteur privé toutes ses connaissances d’initié dès son départ du gouvernement ? Non, déjà avant. A-t-il pu créer des avantages pour l’entreprise grâce à ses contacts, à la manière de Gaston Thorn ? Possible, mais pour une personne aussi honnête, pour qui l’intérêt public est si important, c’est plutôt improbable, n’est-ce pas ? En 2022, l’initié de la politique luxembourgeoise sera couronné au sein du groupe Bertelsmann : Jean-Louis Schiltz deviendra l’une des personnalités les plus importantes du groupe RTL, à savoir vice-président du conseil d’administration. Félicitations, cher avocat spécialisé en médias, en gestion d’actifs, en FinTech, en espace, en hôpital, professeur invité et à la Fedil.