PEOPLE - Cadeaux pour Bertelsmann
Xavier Bettel et son contrat sournois de millions d'Euros

Photo: RTL
Opaque et antidémocratique : voilà comment le ministre des Médias de l’époque a laissé se négocier l’avenir des médias dans ce pays.
Bien que le programme électoral du DP de 2013 ne mentionne ni la politique des médias ni la CLT-UFA, la société à l’origine de RTL, c’est le DP qui reprend le portefeuille des médias après les élections. Les Libéraux sont donc responsables des négociations en cours sur un nouveau contrat entre la CLT-UFA et l’État. C’est Xavier Bettel lui-même, qui, en tant que chef du groupe parlementaire du DP, a brièvement siégé au conseil d’administration de la CLT-UFA en 2011, qui revendique aujourd’hui non seulement le poste de Premier ministre, mais aussi celui de ministre des Médias. Il réintroduit ainsi une tradition perpétuée par Jacques Santer en 1989 et aujourd’hui reprise par Luc Frieden : les médias sont une priorité absolue au Luxembourg.
En janvier 2014, Xavier Bettel a présenté le volet médias du programme de coalition à la Chambre. Il n’y avait pas grand-chose à présenter, car il était déjà clair, avec l’accord de coalition, que les négociations à venir entre l’État et la CLT-UFA se dérouleraient à huis clos. Conseiller en communication de Xavier Bettel, Paul Konsbrück a rejoint le ministère d’État dès le début du mandat de la CLT-UFA, où il a été le dernier rédacteur en chef d’Eldoradio. Après cela, on n’a plus rien entendu pendant longtemps ; le public n’a pas pu voir la dynamique qui se développait entre le ministère, la CLT-UFA, RTL Group et Bertelsmann.
Manque de transparence maximal
Il est difficile de dire de l’extérieur comment les négociations finales avec la CLT-UFA ont été préparées. Cependant, de nombreux indicateurs montrent à quel point les deux parties sont proches. Par exemple, la remise de prix à l’héritière de Bertelsmann Liz Mohn par Xavier Bettel en 2016. Tous deux se retrouveront peu après lors du „Mittelstandsgipfel“ d’une association d’intérêts allemande. Les discussions en coulisses sont déjà sur le point d’aboutir, lorsque l’affaire Lunghi jette soudain une lumière très négative sur RTL et que les négociations entre l’État et la CLT-UFA gagnent soudainement en intensité. Dans une interview peu rythmée accordée à 100komma7, Simone Beissel (DP), alors présidente de la Commission des médias de la Chambre, s’exprime également. Il apparaît clairement que Bertelsmann met la pression avec des exigences élevées. Des exigences que Xavier Bettel est prêt à accepter.
Au printemps 2017, les choses évoluent très vite. Paul Konsbrück est désormais „commissaire du gouvernement“ à la CLT-UFA ; il supervise donc les activités de son ancien employeur pour le compte de l’État. Xavier Bettel a fait réaliser une étude qui devrait lui montrer jusqu’où il peut aller dans le financement d’une entreprise privée sans enfreindre les règles européennes. Le fait que la CLT-UFA soit financée directement par l’État pour la première fois, et à hauteur de plusieurs millions d’euros, n’a jamais été évoqué publiquement. Xavier Bettel l’avait prévu exactement ainsi : au lieu de faire une concession sur la période habituelle de dix ans, une première étape de trois ans sera décidée. Cela évitera à la Chambre de devoir voter une loi de financement, et les discussions seront menées plus largement au Parlement. Xavier Bettel présentera une déclaration gouvernementale au Parlement pro forma le 23 mars 2017, mais gardera secret l’accord négocié : „un secret commercial“. Xavier Bettel privilégie une communication active, comme l’inauguration de RTL City en avril 2017. Pour apaiser davantage la CLT-UFA, Xavier Bettel place un collègue personnel à la présidence du concurrent 100komma7. C’est également Laurent Loschetter qui signe une concession fracturée au-dessus du genou pour 100komma7 après 2018, afin de maintenir le diffuseur dans un statu quo passif.
Qu’est-ce qui a été convenu avec RTL maintenant ? Hormis Xavier Bettel, seuls quelques hauts fonctionnaires du côté de l’État ont vu le contrat au moment de la signature. Il en va de même pour un document additionnel inquiétant, pour lequel il s’est rendu à Gütersloh chez Bertelsmann pendant la campagne électorale de 2018. Oui, exactement, il a pris l’avion, et depuis le Luxembourg, en jet privé pour 12 000 € jusqu’à l’aéroport de Paderborn. On ignore de quel type de contrat il s’agissait.
Un nouveau point de départ pour le deuxième contrat de concession
Cela amène Sven Clement à la table des négociations deux ans plus tard. Bertelsmann ayant décidé d’expulser tous les employés de RTL Group du nouveau RTL City et de transformer le „site médiatique“ en une société boîte aux lettres, le député des Pirates veut maintenant savoir si l’accord ne prévoyait pas au moins un engagement envers le site luxembourgeois. Sven Clement a obtenu gain de cause, mais bien plus tard.
Xavier Bettel, réélu en 2018 et qui cumule à nouveau les fonctions de Premier ministre et de ministre des Médias, sait déjà qu’il devra aborder le prochain accord différemment. La CLT-UFA réclame encore plus de fonds et une loi de financement devient inévitable. Si la loi est débattue à la Chambre, il est impossible de ne pas montrer aux députés à quoi l’État devrait consacrer jusqu’à 15 millions par an. Le nouveau contrat de concession est censé courir jusqu’en 2030 et RTL recevra le montant maximal, ce qui semble encore tout juste compatible avec le droit européen de la concurrence. Qui pourrait souhaiter cela ? Le Parti démocrate n’a pas inclus une seule phrase sur l’avenir du „service public“ dans les médias dans son programme électoral. Les deux partenaires de la coalition, les Verts et le LSAP, ont déjà commencé à réfléchir à la création d’un véritable radiodiffuseur public. La pression s’intensifie, notamment de la part de l’organisme de surveillance des médias ALIA, qui gagne progressivement en force et en indépendance.
La pression est également accentuée par Bertelsmann. RTL Group a non seulement réduit massivement ses effectifs au Luxembourg, mais a également commencé à céder des filiales de RTL. RTL Belgique sera vendue en 2021, la vente de RTL Hollande est en préparation et M6, la filiale française de RTL Group, devrait également être vendue. En fait, l’ère de RTL Luxembourg est révolue. Mais Xavier Bettel pourra-t-il devenir le ministre sous la direction duquel RTL quittera le pays et créera une alternative de droit public ? Gaston Thorn se retournerait dans sa tombe.
Un coup de maître de Bettel
L’atout de Xavier Bettel est qu’il est le seul à pouvoir décider quand et où l’avenir des médias au Luxembourg est débattu. Il fait de son ministère des Médias une forteresse. Et la ligne de son personnel est claire. Michel Asorne est devenu directeur adjoint sous Xavier Bettel. Michel Asorne a travaillé pendant dix ans à l’agence média BCE de la CLT-UFA avant de devenir conseiller des ministres des Médias en 2012. Sous Xavier Bettel, il devient un atout majeur pour l’ILR. Paul Konsbruck n’est plus seulement conseiller de Xavier Bettel, mais chef de cabinet et mène les négociations au nom de l’État. La loi de financement de la CLT-UFA est rédigée, entre autres, par Carole Nuss, qui a quitté LuxInnovation pour devenir ministre des Médias. Le point de vue de Carole Nuss sur la question peut être exprimé par la citation suivante : „La longue histoire du Luxembourg en matière de radiodiffusion a façonné un paysage réglementaire pragmatique et orienté vers les entreprises, particulièrement adapté aux besoins transfrontaliers des services de radiodiffusion.“
Finalement, tout s’accélère à nouveau. Pour convaincre les partenaires de la coalition que quelqu’un, quelque part, a sérieusement réfléchi à la possibilité d’un remplacement de RTL par un média de droit public, le ministère des Médias publie l’„Étude“ : „Les médias de service public au Luxembourg - Défis actuels et perspectives d’avenir“. L’auteur exact de ces moins de 20 pages n’est pas clairement identifié. Cependant, l’argument principal est dès lors utilisé par Xavier Bettel pour déclarer le débat clos : créer un média de droit public serait plus coûteux que subventionner RTL. Un débat d’orientation est convoqué à la Chambre. Selon Xavier Bettel, la preuve de l’absurdité d’une alternative réside dans le fait que la chaîne ARTE coûterait plus de 130 millions par an. On ne dit pas qui aurait réclamé un tel modèle. En un minimum de réunions de commission, la loi de financement sera ensuite adoptée à la Chambre. Le LSAP et les Verts diront oui et amen, et l’opposition ne s’y oppose pas. Xavier Bettel a récidivé.