PEOPLE - RTL n'y a pas coupé
L'homme aux ciseaux
Photo: Bertelsmann
Thomas Rabe est le PDG de Bertelsmann. RTL Luxembourg s’est également soumise à lui, ce qui n’est pas sans conséquences. Une vie passionnante, du punk rocker à la sangsue assoiffée de sang.
C’est un garçon luxembourgeois : Thomas Rabe est né dans ce pays en 1965. Il était logique que, même en tant qu’Allemand, il revienne plus tard au Luxembourg en tant que directeur financier du groupe RTL, du moins pour une courte période. Et il a accompli de grandes choses.
Mais commençons par le commencement. De nombreuses légendes entourent M. Rabe. On dit qu’il a été le bassiste d’un groupe punk. Et dans le FAZ, il apparaît comme un athlète d’une épopée de Riefenstahl : „Rabe préfère ne rien manger du tout. Les ascètes sont des fanatiques. Ils torturent leurs os si cela sert le but, ils gardent notre discipline“.
Mais en fait, Thomas Rabe préfère torturer d’autres personnes. En 1991, il a travaillé à la Treuhandanstalt : Ils privatisent et pillent tout ce qui existait dans l’ancienne RDA en termes d’infrastructures et d’entreprises. [Cela a conduit des millions d’Allemands de l’Est au chômage (https://www.hdg.de/lemo/kapitel/deutsche-einheit/baustelle-deutsche-einheit/treuhand.html) et, en fin de compte, dans les bras des extrémistes de droite. Les Allemands de l’Ouest, quant à eux, ont pu se remplir les poches dans cette affaire, notamment en détournant des fonds, en fraudant et en falsifiant des comptes. La question de savoir si Thomas Rabe a été impliqué dans de tels actes n’est pas abordée en détail. On suppose qu’il s’en est mis plein les poches.
Avec ce début de carrière et tant d’autres postes intermédiaires, Rabe s’est parfaitement qualifié pour des postes élevés chez RTL et Bertelsmann. Là-bas, tout a toujours été basé sur des principes très similaires : privatiser les structures publiques et les soumettre à la logique du profit, licencier massivement les employés, des profits uniquement pour les étages supérieurs, et enfin : fusionner des entreprises pour construire des monopoles tout-puissants.
Rabe venait à peine de passer du poste de directeur financier de RTL Group à celui de PDG de la société Bertelsmann lorsque les fusions ont commencé : Les maisons d’édition de langue anglaise Penguin et Random House ont été fusionnées et absorbées par Bertelsmann, créant ainsi le plus grand éditeur de livres au monde. Pourquoi est-ce une bonne chose ? Outre l’énorme quantité d’argent générée, il ne faut pas oublier que plus un éditeur est grand, plus il lui est facile d’écraser les maisons d’édition plus petites.
Il en a été de même pour RTL Group, également une entreprise de Bertelsmann. En Allemagne, la grande entreprise a avalé le groupe d’édition Gruner+Jahr. Ce qui rapporte au patron est aussi bon pour la société : des centaines de salariés ont perdu leur emploi, plusieurs journaux ont été complètement fermés. De belles perspectives.
Et maintenant, qu’en est-il de RTL Luxembourg ? Cette petite partie de RTL Group, cette petite écharde dans l’empire médiatique de Bertelsmann ? Dans cette gigantesque structure, RTL Luxembourg n’a, au départ, aucune importance, ce qui est compréhensible. Mais Thomas Rabe ne serait pas PDG s’il ne voulait pas tirer un peu plus d’argent de chaque occasion qui se présente. C’est la raison pour laquelle il a immédiatement trouvé au Luxembourg toute une série d’idiots utiles. Le Luxembourg était une expérience. Ici, le jeu est tout simplement inversé : au lieu de privatiser le public, on rend le privé quelque peu public. Au moins tant que Bertelsmann en tire profit.
RTL Luxembourg est devenu un radiodiffuseur à vocation publique grâce à des contrats d’État renouvelés à plusieurs reprises. Il ne s’agit donc pas d’un radiodiffuseur public, car sinon l’argent public resterait simplement dans le radiodiffuseur et financerait de bons reportages, programmes et formats. Il s’agit donc d’une chaîne à fonction publique : Avec cette astuce, RTL reçoit 10 millions d’euros d’impôts par an, mais peut encore faire des bénéfices. Et cela va à … ? Exactement, Bertelsmann. Signature pour RTL Group par votre serviteur : Thomas Rabe.
Mais malgré toute cette amertume, le stratège acharné est en même temps caractérisé par l’humanité et l’amour de son prochain, de bout en bout. C’est ce qu’il affirme clairement dans une interview accordée en 2014 à „Zeit“ : „Prenons l’exemple de l’imprimerie d’Itzehoe, que nous fermons. 1 000 personnes y perdront leur emploi à la fin du mois d’avril. Je donné mon accord pour cela, mais nous avons décidé de le faire pour préserver l’ensemble des activités d’impression du groupe.“ On imagine presque l’estomac noué et les yeux brillants de larmes de ce manager sensible.
Et cela devrait également nous réconforter ici au Luxembourg : si les 10 millions d’euros d’impôts qui vont chaque année à RTL - et donc indirectement à Bertelsmann - nous échappent, nous pouvons être sûrs d’une chose : ils sont très proches du directeur général. C’est-à-dire, l’argent est proche de lui. Et si un jour les plans d’efficacité sont également introduits chez RTL Luxembourg, si des personnes perdent leur emploi - n’oublions pas : Thomas Rabe en est certainement très désolé. Mais après tout, c’est pour la bonne cause ! C’est son objectif, celui de Thomas Rabe. Et un peu d’altruisme ne peut pas faire de mal, n’est-ce pas ?