Photo: IP

L’État est censé compenser les pertes financières de RTL. Or, dans le même temps, la société sœur de RTL, la Régie publicitaire dite „IP“, réalise des bénéfices. Comment est-ce possible ?

Si vous atterrissez en avion au Findel, prenez le bus jusqu’à la gare en écoutant la radio du chauffeur, puis prenez le tram à la gare pour rejoindre Lampertsbierg et sa villa, IP vous a ciblé avec des publicités au moins huit fois au cours de ce trajet. Et ce n’est même pas une séance de cinéma ! Cette couverture complète est possible car l’agence de publicité IP détient un quasi-monopole sur la publicité dans ce pays. Cette position de force est due au fait qu’IP est le partenaire publicitaire exclusif de RTL Luxembourg. Quiconque souhaite être sur RTL, à la radio, en ligne ou à la télévision, ne s’inscrit pas auprès de RTL, mais auprès d’IP. Comment est-ce possible ?

Qui est donc IP, l’entreprise au logo raciste ? IP est à l’origine une entreprise française fondée en 1928 sous le nom d’„Information & Publicité“. Peu après, elle collabore étroitement avec la CLR luxembourgeoise (Radio Luxembourg, plus tard CLT) et vend des spots radio à ses annonceurs français. Il n’y avait pas de radio commerciale en France. On ne pouvait diffuser de la publicité à grande échelle qu’à partir du Luxembourg. Il en était de même en Belgique, où IP ouvrit également une succursale en 1938. En 1945, le groupe français Havas rachète 98 % des parts d’IP, étendant ainsi son influence sur CLT. Il ne s’agissait pas seulement d’influence politique, mais bien sûr aussi d’économies d’impôts via le Luxembourg. À partir de ce moment, un flot d’agences de publicité a surgi dans toute l’Europe : en Allemagne, en Suisse, au Portugal, aux Pays-Bas et, immédiatement après la chute du mur, également dans toute l’Europe de l’Est, où le capitalisme était nouvellement introduit. Puis, en 1997, en pleine course à la libéralisation du marché européen de la télévision, CLT-UFA a absorbé IP. CLT-UFA était le successeur de CLT et était entre-temps devenu un empire médiatique. Bertelsmann était à bord et a brisé la domination française. Il a été décidé d’intégrer tous les IP nationaux aux sociétés de télévision et de radio respectives de la CLT-UFA.

C’est ici que commence le cas particulier du Luxembourg. Au Luxembourg, il n’existait pas de radiodiffuseur national. Il y avait donc bien sûr „RTL Luxembourg“, mais ce n’était pas une société, mais une sorte de division au sein de la CLT-UFA, afin que l’ensemble de la CLT-UFA puisse continuer à bénéficier des intérêts et des subventions de l’État luxembourgeois, et inversement. Pour IP, en revanche, cela impliquait le maintien d’une société, „IP Luxembourg“ (IPL), filiale à 100 % de la CLT-UFA et directement liée à RTL Luxembourg.

Si IP conserve aujourd’hui sa position dominante sur le marché publicitaire luxembourgeois, c’est avant tout grâce au monopole de RTL sur le marché des médias. Non seulement parce qu’il s’agit du diffuseur le plus populaire, mais aussi parce que RTL a défendu sa domination pendant des décennies grâce au lobbying, au népotisme, aux positions privilégiées d’anciens responsables politiques et à la pression exercée par Bertelsmann sur la politique luxembourgeoise. À tel point que RTL est désormais subventionnée par l’État à hauteur de plus de 10 millions d’euros par an. Puisque RTL maintient ainsi sa position, IP peut également la maintenir. L’État confère ainsi un avantage concurrentiel considérable à une agence de publicité. Mais ce n’est qu’une partie du problème.

Pour que la subvention publique à RTL Luxembourg soit, du moins en théorie, légale, l’État ne peut pas simplement transférer les fonds directement – ​​ce qui constituerait une violation du droit européen de la concurrence. Sous certaines conditions, l’État est autorisé à compenser le déficit d’une entreprise. En pratique, RTL, du moins selon ses informations, est déficitaire. Aucun chiffre précis n’a été publié. Une facture vient d’être établie, indiquant que le déficit futur de RTL atteindra exactement le montant défini par l’UE comme le plafond de subvention. Quelle coïncidence !

La régie publicitaire IP n’est pas déficitaire et, soit dit en passant, les autres sociétés sœurs autour de RTL Luxembourg sont également rentables et contribuent financièrement à la maison mère. Par exemple, IP a régulièrement dégagé un bénéfice supérieur à 1 million d’euros après 2022. Autrement dit : IP réalise des bénéfices et les reverse à Bertelsmann, tandis que RTL subit des pertes, qui sont ensuite compensées par l’État. Or, RTL Luxembourg et IP Luxembourg sont quasiment la même entreprise. Concrètement, cela signifie non seulement que les effectifs et les contenus se chevauchent, mais qu’IP va même jusqu’à parler de „radio IP“ dans ses supports publicitaires lorsqu’elle propose des spots à ses clients sur RTL Luxembourg.