Personne ne l’a encore remarqué, mais IP se pare d’étranges plumes pour son image de marque.

Vous êtes confortablement assis dans votre fauteuil rembourré, un seau de pop-corn sur les genoux. Vous vous interrogez, comme un petit enfant, sur l’homme qui jette d’un coup de pied une bouteille en plastique hurlante dans la poubelle. Vous êtes prêt à vous évader de la vie quotidienne pendant deux heures. Et puis il apparaît devant vous. La tête stoïque, le regard plein d’espoir dirigé vers le lointain. Tous ceux qui ont grandi au Luxembourg associent à ce logo un sentiment de chaleur et de nostalgie. Il ne s’agit pas d’une plante désertique anthropomorphe, incarnation de notre consumérisme, mais d’un… moment.

Soudain, il vous saute aux yeux comme un chaton dans la Zone Verte. Alors que ce logo est mélangé à une variété d’autres choses mal vieillies dans vos souvenirs d’enfance innocents, le regard las vers le passé a oublié pendant des années qu’une agence de publicité semble se décorer avec des plumes étrangères. Sous le logo, raciste et désuet, s’affiche fièrement : IP. IP est la plus grande „agence de publicité“ du pays. C’est elle qui diffuse des publicités non seulement dans les cinémas, mais aussi sur le site Internet de RTL, sur RTL Radio, sur RTL TV, et même dans les tramways et à bien d’autres endroits. IP appartient à CLT-UFA, le groupe derrière RTL Luxembourg.

Cependant, le motif amérindien d’IP n’est pas une relique d’une époque antérieure à la culture Woke, mais bien son identité d’entreprise. En 2017, il y a même eu une campagne dans laquelle un „Indien“ se promène à travers le pays et apporte des cadeaux à des partenaires publicitaires embarrassés, les encourageant à danser avec lui et à fumer le calumet de la paix.

Il est un peu redondant de préciser que l’„acteur“ était bien sûr un homme blanc avec de la peinture faciale, un torse nu et des bijoux supplémentaires. Lorsqu’en 2018(!), après 20 ans, le chef de la propriété intellectuelle a pris sa retraite, l’entreprise l’a annoncé sur sa page Facebook. Il a été photographié avec des bijoux en plumes et du maquillage : „En tant que chef, Lou s’est toujours bien occupé de sa tribu - il a rarement eu à déballer le calumet de la paix ;-) (…)“

Cependant, ce plaisir ne reste pas l’apanage du seul chef. Dans une publicité cinématographique, toute l’équipe d’IP s’est déguisée en Indiens, avec des percussions en fond sonore. Ailleurs, un acteur en costume complet a été envoyé à travers la ville pour souhaiter les vœux du Nouvel An. Des gens ont été filmés en train de le regarder de dos. À la fin de la vidéo, il échoue à allumer un feu et doit utiliser un briquet, puis termine en souhaitant une bonne année à Kirchberg avec un fumigène. IP montre également des „Indiens“ dans ses publicités pour ses propres services. Et cela avec tous les stéréotypes racistes, y compris le langage élaboré des „primitifs“. Pour montrer l’étendue des services offerts, un acteur habillé en „Indien“ traverse une représentation visuelle de la plate-forme RTL.lu et admire avec stupéfaction tous les différents espaces publicitaires. Mais bon, c’était une autre époque, l’époque d’avant le Corona - peut-être que vous essayeriez encore de vous mentir à vous-même, avant de cliquer sur „IP Digital“ sur le site web d’IP aujourd’hui.

Quelqu’un a-t-il déjà remarqué cela ? Quelqu’un a-t-il trouvé cela problématique ? Des années d’éducation antiraciste ont-elles été oubliées au Luxembourg ? Que des stéréotypes discriminatoires soient reproduits dans des agences de publicité est une chose, mais que des cinémas, des arrêts de bus et des exploitants de toutes sortes d’autres supports y participent est encore plus choquant. RTL Luxembourg a un contrat avec le gouvernement et reçoit des millions d’euros chaque année. Elle est obligée de ne donner aucune place au racisme direct par le biais de plusieurs conventions, codes et textes. Et pourtant, IP et son logo sont omniprésents à RTL.