NEWS - ADR, Spaghetti Carbonara et Guy Kaiser
Comment RTL traite les radicaux de droite

De Raoul Roos (RTL, riets am Bild) mëcht e Selfie mam Tom Weidig (ADR, lénks am Bild, soss riets). (Screenshot RTL)
Comment les médias doivent-ils rendre compte des idéologies et des partis d’extrême droite ? Les médias sont-ils eux-mêmes menacés par des partis d’extrême droite forts ?
C’est une question très discutée dans la plupart des pays européens - et au Luxembourg ?
Comment RTL rend-elle compte de l’ADR ?
Au Luxembourg, l’ADR, au plus tard avec l’orientation des dernières élections et divers scandales, se veut un parti radical de droite. Tous les journaux du pays trouvent leur propre façon de traiter l’ADR et de se positionner, en fonction de leur propre ligne éditoriale. La manière dont l’ADR est présentée dans le débat public au Luxembourg est toutefois principalement entre les mains de RTL, qui exerce l’influence la plus importante grâce à son monopole sur la télévision et à sa domination absolue sur la radio et l’information en ligne.
Les reportages critiques ou même les questions politiques ne sont généralement pas vraiment au menu de RTL. RTL est plus apolitique que neutre. Il y a une tentative délibérée de réduire au minimum le contenu et les questions idéologiques. RTL transforme la politique en une histoire de personnes, RTL produit de l’infotainment, en mettant clairement l’accent sur le côté divertissant. La manière dont ces radicaux de droite sont traités est également la même. Ainsi, nous parlons au leader de l’ADR Fred Keup : il cuisine des spaghettis à la carbonara, au nouveau député de l’ADR Tom Weidig de ses hobbies (les échecs et la méditation) dont il parle ici et à Alexandra Schoos qui se promène dans la forêt - le tout sans question critique, sans aucun ordre. Dans le dernier reportage sur la soirée du Nouvel An de l’ADR, le journaliste de RTL Jeannot Ries s’est contenté de tendre le micro à Fred Keup et de le laisser parler librement. Il n’y a pas seulement un manque de contexte critique, mais il y a aussi une dépolitisation générale du reportage.
Le travail d’éducation contre l’extrémisme de droite fait-il partie du „service public“ ?
Il existe des exceptions isolées sur RTL, qui s’expliquent précisément par le fait que RTL n’autorise généralement pas la critique de l’ADR. En septembre de l’année dernière, la journaliste de RTL Fanny Kinsch a découvert les liens entre l’ADR et Civitas et en a parlé pendant la campagne électorale. Tant le reportage radio et TV que les interviews supplémentaires ont été réalisés par la journaliste pratiquement seule. Le cas suivant montre que ce moment unique de reportage critique ne semble pas avoir été intentionnel.
Fernand Kartheiser, politicien de l’ADR, a intenté un procès devant l’autorité de contrôle de la presse à cause de ce reportage, mais RTL n’en prend pas ombrage. Au contraire, RTL laisse beaucoup d’espace à Fernand Kartheiser pour répondre aux critiques formulées à son encontre par d’autres médias tels que 100komma7. RTL ne défend pas non plus publiquement sa journaliste contre les critiques de l’ADR, qui considère le reportage comme une attaque politique et tente d’utiliser la discussion comme une plate-forme pour critiquer les „grands médias“.
RTL n’adopte une position prudente que lorsqu’il ne s’agit pas du Luxembourg. Dans un récent „Commentaire“, la journaliste de RTL Anne Wolff s’en prend à l’AfD allemande et parle d’une „opportunité“ de „contrecarrer la tendance à droite“ avant les élections européennes, entre autres choses. Le fait que l’ADR soit sur le point de remporter un succès historique aux élections européennes et qu’elle rejoigne la faction des néofascistes italiens et espagnols n’est pas commenté.
Les médias publics sont au centre d’un débat politique dans toute l’Europe.
Armin Wolf est un présentateur de télévision et un journaliste autrichien. Il anime le plus célèbre format d’information „ZIB 2“ sur la chaîne publique ORF. En Autriche, Armin Wolf est également connu pour sa critique de l’extrémisme de droite, en particulier du parti d’extrême droite FPÖ. Pour son travail en faveur de la liberté de la presse, Armin Wolf a été souvent récompensé. Armin Wolf montre également comment le FPÖ fait des médias, en particulier du secteur public, un sujet de campagne électorale. Un certain nombre de médias ont exprimé leur solidarité avec Armin Wolf, y compris le magazine ARD „Monitor“.
Une position claire contre l’extrémisme de droite ne se retrouve pas automatiquement parmi tous les médias de service public, mais une ligne claire des partis d’extrême droite contre les radiodiffuseurs du secteur public est néanmoins nécessaire. L’AfD veut privatiser ARD et ZDF en Allemagne, et Marine Le Pen fait la même proposition en France. En Italie, où les Fratelli d’Italia sont au pouvoir, le service public a été non seulement affaibli, mais restructuré par un „coup d’État“ et les postes les plus importants ont été occupés par des extrémistes de droite.
Il n’y a pas de danger imminent au Luxembourg que l’ADR prenne le pouvoir - mais ce parti s’est maintenant placé à des postes clés pour gagner en influence. „Les médias qui bénéficient de l’aide de l’État à la presse devraient également donner de l’espace aux opinions qui ne correspondent pas à leur propre „ligne éditoriale““, demande l’ADR dans son programme électoral, remettant ainsi en question l’indépendance éditoriale.
RTL : pas d’aide dans la lutte contre l’extrémisme de droite
Au Luxembourg, RTL, une société privée, est censée remplir la „mission de service public“. À cet égard, les médias privés ont historiquement été plus à droite. Ils ne sont pas tenus de respecter la démocratie mais le portefeuille de leurs actionnaires et considèrent les médias publics comme une concurrence qu’il convient d’étouffer. RTL est mentionné ici dans la même ligne que les médias de Silvio Berlusconi et de Rupert Murdoch. Helmut Kohl a fait de RTL une télévision privée afin de supprimer les médias publics. Le fait que le Luxembourg dispose d’un média privé au lieu d’un média public est fatal à la démocratie, en particulier lorsqu’il s’agit de faire face à l’extrémisme de droite et de s’en défendre.
En tant que radiodiffuseur privé, où les intérêts commerciaux ont toujours été au premier plan, RTL, comme d’autres médias commerciaux et tabloïds, est enclin au sensationnalisme de droite. (/news/optragsarbeit/2024/01/25/rtl-deckt-taeter/) Les contenus sexistes augmentent l’audience, les polémiques de droite (par exemple la sécurité dans le quartier de la gare) sont mises en avant et les émissions sur les voitures célèbrent les possessions matérielles et les symboles de statut social. Il n’est pas surprenant que certaines des personnes qui façonnent le discours sur l’extrême droite au Luxembourg aujourd’hui proviennent des rangs de RTL. Bas Schagen, ancien journaliste de RTL, a été l’un des plus actifs théoriciens du complot au moment du Coronavirus au Luxembourg, l’ex-journaliste de RTL Dan Hardy est aujourd’hui vice-président de l’ADR, anime „ADR-TV“ et se présente aux élections pour le parti. Il pourrait même revenir dans l’hémicycle si Fernand Kartheiser fait le saut au Parlement européen. Guy Kaiser, ancien rédacteur en chef de RTL Radio Luxembourg, tient un blog de droite bien connu sur lequel il partage des théories conspirationnistes de droite. Par exemple, celle selon laquelle „les médias“ sont infiltrés.
Une situation dangereuse
Les idées d’une droite de plus en plus radicale se répandent au Luxembourg. Là où s’arrête le pluralisme d’opinion et où commencent les complots d’extrême droite et la propagande antidémocratique et antihumaine, non seulement les tribunaux mais aussi les médias doivent faire face à cette situation.